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Interview

Tramp par Jean-Charles Kraehn le scénariste

Il est parfois tentant d’opposer ce qui serait, d’un côté, une bande dessinée qualitative d’auteurs à, de l’autre, une bande dessinée grand public à la finalité uniquement commerciale (1). Une dualité réductrice et caricaturale : oui la bande dessinée, à l’image d’autres domaines d’expression, peut cumuler ces deux aspects. Tramp illustre à merveille cet exemple : apparue en 1993, cette série correspondait à une démarche d’auteurs las de s’entendre dire qu’il fallait choisir entre les deux. Patrick Jusseaume et Jean-Charles Kraehn ont patiemment construit leur univers avec un talent indéniable et ce petit plus, un certain perfectionnisme qui apporte la touche finale.

Jean-Charles, qu’est-ce qui est le plus difficile : trouver une idée, rédiger un scénario ou écrire les dialogues ?!

JCK. – Trouver une idée n’est pas le plus difficile. Les idées sont là, elles circulent dans l’air ! Il suffit de capter celles qui vous correspondent ou que vous avez envie de développer. A mon sens, dans le genre que je pratique, c’est-à-dire la bande dessinée d’aventure réaliste, le plus dur est l’écriture du scénario ou plutôt la mise en place de sa colonne vertébrale. C’est à ce moment qu’il faut faire preuve d’imagination car il faut trouver une multitude d’idées petites ou grandes, qui, elles, ne sont pas forcément dans l’air du temps, pour nourrir l’IDÉE principale sans la dévoyer. C’est le moment que j’aime le moins. C’est celui de la grande patouille cérébrale avec son cortège d’incertitudes (P… ! je n’y arrive pas), de doutes (P… de M… ! je n’y arriverai jamais) et de remords (P… de B… à Q… ! c’est pas comme ça que je vais y arriver !). Ce moment demande la plus grande concentration, et c’est en général celui que choisit le plombier qui devait passer depuis quinze jours déjà pour débouler dans votre petit monde enchanté sous prétexte que lui passait justement dans le quartier, et qu’il avait dix minutes avant le client suivant pour votre petite fuite… mais qu’il prendrait bien quand même un café avant de commencer ! Ecrire les dialogues, après tout ça, est une récréation, même s’il m’arrive parfois d’achopper sur une bulle ou un texte qui ne vient pas en bouche comme je le voudrais. Ça aussi, ça m’énerve. C’est en général le moment que je choisis pour rappeler le plombier et l’engueuler car sa réparation « vite fait » n’a pas tenu.

Chaque idée d’histoire est-elle soumise au dessinateur ?

JCK. – Et puis quoi encore !? C’est pas la démocratie, avec moi ! Bon, je blague, bien sûr ! En général quand on attaque un nouveau cycle, les dessinateurs avec qui je bosse me parlent de leurs envies pour la suite de la série. J’essaye d’en tenir compte et leur soumets après la ou les idées fortes que j’ai pu dégager. Souvent, ça s’arrête là. Je n’aime pas trop leur dévoiler mes pistes car elles sont multiples, et pas forcément définitives quand je les ai. De plus, pour être honnête, je n’ai pas envie qu’il y ait trop d’interférence de la part du dessinateur dans mon travail car il n’a pas forcément la vision globale de l’histoire. Celle-ci a souvent une logique propre qui, combinée à la logique des personnages (passé, psychologie), se révèle au fur et à mesure de l’écriture du scénario. Sinon, on fait de la co-écriture. C’est autre chose, alors.

« Il faut souvent que je le réécrive plusieurs fois avant d’en être satisfait. »

Il y a une véritable écriture dans Tramp, un style où l’on sent le soin apporté à chaque séquence et au souci du bon dialogue. Serait-ce le style Kraehn ?

JCK. – Heu… si vous le dîtes !?… Ça doit être ça ! C’est vrai que j’ai du mal à lâcher un dialogue. Il faut souvent que je le réécrive plusieurs fois avant d’en être satisfait, mais je suppose que je ne dois pas être le seul à faire ainsi. S’il y a un « style » Kraehn, on le retrouvera plutôt, j’imagine, dans la personnalité des personnages et le ton de mes histoires.

Très souvent on parle de Tramp comme d’un thriller maritime : n’est-ce pas finalement assez réducteur ?

JCK. – Non ! Le mot « thriller » évoque le suspense, le danger, et l’adjectif « maritime », le voyage, le rêve… Donc, ça me va bien comme « slogan ».

JCK : Yann, Calec, le personnage principal, me fait penser à un croisement entre Haddock et Corto Maltese : d’accord, pas d’accord ?

JCK. – Heu… qui faisait la femme ?… Excusez-moi, ça m’a échappé. Je suppose que oui, car il y est aussi question avec ces personnages de bateaux et de voyages. Encore que Corto Maltesse fut plutôt un marin d’eau douce. Il ne naviguait pas beaucoup. Yann Calec est certainement aussi le fruit de mes lectures de jeunesse (celles qui vous marquent) et ces deux-là en font partie.

Cet album inaugure le cycle « asiatique » de la série après l’Afrique : cela a-t-il nécessité beaucoup de recherches ?

JCK. – Pas mal, oui, quand même ! Surtout qu’en toile de fond, il y a la guerre d’Indochine. Ces événements sont trop proches de nous pour raconter n’importe quoi. On ne fait pas dans la superproduction hollywoodienne, celle qui manie l’anachronisme comme les dollars, nous, môssieur ! On te soigne le détail historique. On va le chercher au fin fond de la doc, on le sort, on le brique, et on l’emballe dans une bonne intrigue. EEH ! On ne lui raconte pas que des bêtises à notre lecteur !

Les lecteurs ne le savent sans doute pas mais vous utilisez une importante documentation et vous avez de nombreux « conseillers » : un travail en amont invisible mais qui est une des raisons du temps que peut prendre la réalisation de chaque épisode.

JCK. – C’est une des raisons, oui. L’autre ce sont les clopes de Patrick. Il se les roule mais, comme il n’y arrive pas bien, ça lui prend du temps. Bon d’accord, sérieux ! La recherche de doc est effectivement une des raisons du temps passé, mais il y a aussi le soin que Patrick apporte à ses dessins et ses couleurs. Le résultat est superbe et vaut bien… un peu d’attente, non ?

Vous aviez tous les deux accompli un voyage au Vietnam (2). Cela vous a-t-il inspiré sur cette histoire, avez-vous découvert des choses sur place qui vous ont servi par la suite ?

JCK. – En tant que scénariste pas tant que ça. Les années « françaises » paraissent tellement loin. Le pays, les mentalités, le contexte, tout a changé. L’inspiration, je l’ai trouvé dans la documentation sur l’époque. En revanche, je crois que Patrick en est revenu avec des images plein la tête… et du tabac à rouler plein les poches !

Les personnalités et les trajectoires de chaque personnage sont plutôt complexes, jamais simplistes. On se souvient de Floss dans le premier cycle, ici encore Rosanna ou Calec. Sans oublier que ce dernier apprend, à l’occasion de ce voyage, des choses sur son passé et son père.

JCK. – C’est mieux, non ? Les personnages trop linéaires sont sans surprises, et donc moins attachants pour le lecteur. L’intrigue seule et les rebondissements ne peuvent suffire à retenir son attention. Ou alors on joue dans la catégorie « super-héros » !

Patrick, n’en n’avez-vous pas marre d’entendre qu’en dessinant un Liberty Ship vous avez placé un boulon au mauvais endroit ? (Rires)

PJ. – Ha ! Ha ! Haaa !… (celui-là est jaune) Je ne suis pas marin. Il va de soi qu’en s’entourant de conseillers, des marins qui ont bien connu les Liberty Ships, je m’expose à quelques dangers… Ils ont ce regard exercé qui ne passe rien, tant cette période passée a rempli leur vie de tous les jours.

On sent en tout cas chez vous le souci de la méticulosité, le désir d’être crédible tout en vous faisant plaisir…

PJ. – Je crois que le souci de la crédibilité est à ce prix. J’ai conscience de faire plaisir à tous ceux qui ont connu ce monde si particulier qu’était la marine marchande de cette époque. Pour tous les autres, l’intuition que cette fiction a un fond de vérité qui s’accorde bien avec le scénario.

Si je vous dis que votre trait ressemblerait aujourd’hui à de la « ligne claire réaliste », vous en pensez quoi ?

PJ. – En tout cas c’est essentiellement la trajectoire graphique qui s’est imposée naturellement… même si parfois le style semi-réaliste m’attire pour sa force plus suggestive.

« Tramp évoque l’aspect maritime, donc le voyage. »

Dessiner Saïgon et ces scènes asiatiques semble d’autant plus inattendu que le début de l’histoire se passe en Normandie !

PJ. – Tramp évoque l’aspect maritime, donc le voyage ; et par une furieuse ellipse nous passons des brumes normandes aux verts des rizières du Viêtnam avec une jubilation certaine ! A ce sujet, récemment, je me posais la question de savoir, dans le cas où nous arrêterions Tramp, ce qui me manquerait le plus… je crois sans aucun doute que ce serait cette propension au voyage par la mer en compagnie de Calec.

Je vous sais très soucieux du travail des autres et notamment de certains illustrateurs : cela ne vous freine-t-il pas parfois dans votre propre travail ?

PJ. – Bien au contraire, mon cher FLB ! Cet enseignement crée une synergie, ouvre de belles perspectives au royaume de l’image sur d’autres regards, d’autres sensibilités. La seule chose importante quand on s’inscrit dans une école d’art, en dehors de la qualité des professeurs, est que vous êtes une trentaine réunie à plancher sur un même sujet… vous verrez alors toute l’étendue, la riche variété avec laquelle chacun aborde ce sujet. Actuellement, je retrouve un intérêt certain pour quelques illustrateurs américains que j’avais découverts dans les années 1965. Formidables illustrateurs tels Austin Briggs, Peter Helk, Albert Dorne, etc. moins connus à l’époque que Norman Rockwell. Pour l’anecdote, c’est ainsi que j’ai eu l’idée de réaliser cette double page de garde pour Tramp. L’envie de jouer avec les ombres et les lumières.

On ne dira jamais à quel point votre travail sur la couleur apporte un plus, et vous avez d’ailleurs testé une technique différente au début de l’album…

PJ. – Les onze premières pages d’Escale dans le passé ont été réalisées en couleur directe. Cette technique m’a apporté davantage de satisfaction, de liberté… en revanche, beaucoup plus délicat était le temps passé sur chaque planche. Soyons donc raisonnable !

Question subsidiaire : à quand la suite ?!

PJ. – Ce sera nettement moins long. Fin 2006, ce serait bien !!

Jean-Charles, vous sortirez le même mois le second volume de Myrkos chez Dargaud. Pouvez-vous nous préciser le propos de cette série tout à fait originale ?

JCK. – La forme est assez classique puisqu’il s’agit d’une série d’aventure. Ce sont les ressorts de l’intrigue qui le sont moins, effectivement. L’action se passe dans une antiquité imaginaire. Notre héros, Myrkos, élève artiste, apprend l’art officiel. Mais ce que lui enseignent ses maîtres ne lui convient pas. Il trouve cet art (inspiré de l’art égyptien et étrusque) trop figé, trop codifié, sans relief et surtout sans imagination. En fait ! Il rêve de réalisme et par ses recherches (notamment sur la perspective) il va bouleverser cette société rigide dans laquelle il vit. Je pense que l’art, plus qu’un simple reflet de la société, fait intrinsèquement partie de sa « chair ». L’art évolue avec les mentalités, mais quand il impose ses règles (comme la perspective l’a fait à la renaissance), c’est lui alors qui fait évoluer les mentalités en donnant une autre interprétation du monde. D’ailleurs, il suffit de voir comment les dictatures s’en emparent et le censurent pour comprendre le pouvoir de celui-ci. Et quand je parle de dictature, je ne parle pas uniquement de celle des pouvoirs totalitaires. Celle de la mode ou de l’avant-gardisme snobinard, moins brutale mais plus insidieuse, est tout aussi réductrice. Le but de ceux qui la promeuvent n’est alors plus la coercition politique des esprits (encore que… à terme ?), mais plutôt l’envie de se faire « mousser » en récupérant l’originalité, en tout cas vendue comme telle, des artistes qu’ils mettent en avant.

Petite ironie ! Myrkos est un précurseur, car il découvre la perspective et le dessin académique à une époque où le dessin est codifié et sert surtout d’écriture. Ça ne vous rappelle rien ? Comme quoi la notion de créativité et d’originalité est toute relative. C’est ma modeste réponse au microcosme médiatico-publicito-intello qui régente le « bon » goût actuel dans notre petit monde de la BD. Car Myrkos et 97 % des albums de la production actuelle n’auront jamais d’article dans Télérama par exemple car ils seront jugés non pas sur le contenu mais sur la forme, qui n’est pas dans la ligne officielle du parisianisme branchouille. Ce qui me désole dans tout ça, c’est que cette dictature-là finisse par influencer certains libraires et beaucoup de jurys de festivals.

« Tu comprends, vieux ? On ne voudrait surtout pas passer pour des cons en récompensant un album trop classique ! »

Eh oui ! Il n’y a pas que les prêtres dans la société de Myrkos qui ont l’esprit obtus et peu curieux !

C.Q.F.D. A propos de Myrkos, on constate que les progrès de Miguel sont impressionnants.

JCK. – Impressionnant est le mot, oui ! Miguel s’est défoncé sur le deuxième album. Son travail est magnifique. C’est un jeune dans le métier, et il a envie de croquer la vie et la BD à pleines dents. C’est très stimulant pour moi…

François Le Bescond

1) Ce qui, on le sait, reste souvent le plus dur à réussir…

2) En compagnie de Serge Le Tendre. Un ouvrage a été publié à cette occasion chez Glénat.

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