Comme vous n'avez surement pas manqué de le noter, Pif est revenu en kiosque cet été, bardé de son légendaire gadget. Nouvel éditeur, nouvelle périodicité et nouvelle équipe. S'agissait-il d'un coup médiatique aux accents de nostalgie ou d'un retour durable porté par un vrai désir de réveiller la presse BD enfantine ? Autant de questions que nous avons posées à François Corteggiani, scénariste colosse et néanmoins rédacteur en chef de la partie BD…
Vous relancez Pif Gadget alors que le titre avait disparu il y a une quinzaine d'années. Vous pensez que la conjoncture est plus favorable aujourd'hui ?
Pif avait cessé de paraître pour des questions de management et non pour des problèmes de lectorat. Je pense que le journal aurait largement pu continuer à l'époque, au moins en attendant que la société Vaillant soit rachetée. J'ignore si l'époque est propice à Pif, à J'AIME LA BD ou à CAPSULE COSMIQUE le nouveau magazine que va publier Milan mais si l'on ne fait jamais rien, on ne peut jamais rien savoir. Pour ce qui est du nouveau Pif, je précise que cela n'a plus rien à voir avec l'ancienne formule dans la mesure où c'est un mensuel et non plus un hebdo.
Cela vous paraissait impensable ?
Relancer un hebdo aujourd'hui, cela semble très difficile. Ceux qui sont là, comme Mickey ou Spirou, continuent sur leur lancée. Un hebdomadaire requiert une infrastructure et un coût infiniment plus lourds à supporter pour un éditeur. L'aventure mensuelle est donc la solution la plus raisonnable.
Pourquoi revenir à tout prix vers un titre qui a eu son heure de gloire mais qui appartient au passé ?
Parce que Pif Gadget est un journal mythique, voilà tout. Quand Patrick Apel-Muller a vu sortir le numéro exceptionnel de Pilote l'année dernière, il s'est dit qu'il serait sympa de refaire un Pif Gadget. Au départ, ce n'était qu'une idée « pour s'amuser » et puis, les échos étaient tellement favorables que c'est devenu un véritable projet de relance durable du journal.
Comment imaginez-vous les nouveaux lecteurs de Pif ?
Je ne me les imagine pas particuliérement à part peut-être certains nostalgiques du dos carré. Ce que je m'efforce de faire depuis qu'on m'a proposé ce rôle, c'est de publier des bandes dessinées qu'on ne voit pas ailleurs. Je ne veux pas d'un journal formaté où l'on a l'impression de lire toujours la même histoire de la première à la dernière page. J'essaye d'offrir des genres variés, le tout en histoires complètes, ce qui est sans doute le pari le plus difficile à tenir de nos jours en BD. C'était déjà la particularité de Pif à l'époque.
Vous ressortez de leur retraite des héros qui ont fait la gloire du journal, seriez-vous donc nostalgique ?
Pas du tout. Nous allons publier environ 15 % de réimpressions d'anciennes séries comme « Loup Noir » de Kline et Jean Ollivier, et probablement Rahan. Ainsi que Pifou ou Placid et Muzo. Il y a aussi des retours de personnages anciens mais réactualisés comme Docteur Justice, la Jungle en folie ou Pif lui-même. Le reste, c'est de la création sans aucune référence avec le passé. Je reçois énormément de projets, environ une quinzaine par semaine, émanant de jeunes mais aussi de quelques anciens.
Les auteurs mythiques de Pif relatent tous qu'ils ont beaucoup souffert de l'absence de politique d'albums des éditions Vaillant à la grande époque. Avez-vous des projets en ce sens ?
Vaillant était surtout une maison de presse, l'édition n'était pas leur spécialité. Quant à nous, nous avons en projet de publier des albums mais nous n'en sommes qu'au deuxième numéro, il faut d'abord accumuler du matériel dans le journal avant de penser bouquins…
Vous êtes satisfaits des premières réactions ?
Nous avons vendu pour le moment environ 360 000 exemplaires du premier numéro mais nous restons conscients que ces ventes ont bénéficiées de l'effet d'annonce du « retour » de Pif. Le deuxième numéro sera tiré à 400 000 exemplaires. C'est énorme, bien entendu et il faudra attendre un peu avant de se faire une idée durable sur l'impact commercial du journal.
Vous semblez prendre beaucoup de plaisir à cette aventure ?
Je m'amuse assez, c'est la vérité. Travailler avec des gens comme l'oncle HERLE, IVARS, TARRIN, CHICO, LES TOTOS BROTHERS, Madame FLORENCE, MATHILDE et tous les autres, c'est un véritable bonheur qui durera le temps qu'il durera. C'est un journal pour lequel j'ai énormément travaillé à mes débuts et qui a permis à beaucoup d'auteurs reconnus aujourd'hui de réaliser leurs premières armes. J'espère que les jeunes que nous publierons auront la même chance. Et puis, je suis tout simplement heureux que Pif reprenne sa place dans le paysage de la presse BD.
C & BPY
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