Haut de gamme

C’est bien connu : la musique adoucit les mœurs. Avec Binet, elle fait encore mieux que ça : elle libère les muscles zygomatiques ! Dans Haut de gamme, le créateur des Bidochon dresse le portrait hilarant du petit monde des musiciens amateurs. Un monde pas si petit que cela, en vérité, puisqu’il concerne au bas mot quelques milliers de Français qui pianotent, trompettent, contrebassent ou violonisent pour le plaisir. Quitte à massacrer Chopin (ce qui ne déplairait pas forcément à Binet) ou à faire se retourner Wolfgang Amadeus Mozart dans sa tombe... Binet sait de quoi il parle, car il ne se contente pas d’être le dessinateur et scénariste à succès que tout le monde apprécie. Voilà déjà plusieurs années qu’il se passionne pour la musique. Et  pas n’importe laquelle, s’il vous plaît : la Grande, avec un « M » majuscule, la seule qui vaille aux yeux de Robert et Raymonde Bidochon - autrement dit la musique classique.

Compositeur et instrumentiste, Christian Binet connaît mieux que personne l’univers des professeurs de piano frustrés, des concertistes rivaux et des parents bien décidés à faire massacrer les croches et les demi-croches par leurs enfants sans talent. A travers son « héros », un pianiste en pleine traversée du désert qui se reconvertit en enseignant, l’album décline toute une gamme de situations ubuesques et de personnages drolatiques.

Il y a le pauvre monsieur Kapovsky, qui se refuse à jouer les fa dièse car sa femme est morte pendant un fa dièse, justement. L’horrible petit Cédric, qui apprend la trompette et finit par jouer du Henry Purcell pendant les matches de foot, à la consternation des supporters assis à côté de lui. Le clarinettiste frustré, las d’être depuis des années cantonné au rôle ingrat de deuxième clarinette. Et la petite dame folle de Chopin, lequel est la hantise de son prof qui lui reproche de truffer ses partitions de mesures identiques – « ma parole, il était payé à l’heure, votre Chopin ! ». Les amateurs de Binet ne seront pas dépaysés en lisant Haut de Gamme. Ils savent qu’en matière d’humour, le gaillard connaît la musique. Depuis l’apparition des Bidochon dans les pages de Fluide glacial, en 1977, Binet s’est en effet imposé comme l’un des auteurs les plus drôles et les plus corrosifs de la bande dessinée contemporaine, auteur des aventures philosophico-canines de Kador, de L’Institution ou encore de Poupon-la-Peste. Avec Haut de Gamme, il signe une entrée en fanfare aux éditions Dargaud. Mais assez bavardé : place à la musique… et à l’humour, Maestro !